L’art, un bon investissement?
Isabelle Honnay
« Mes parents m’ont gardé dans le placard pendant des années. Jusqu’à mes 15 ans, je pensais que j’étais une chemise ». C’est l’une des blagues de l’artiste américain Richard Prince. Peinte sur un fond monochrome en 1989, elle s’est vendue pour 26 500 dollars en 1993. Vous trouvez cela cher ?
Pourtant, ce même tableau a été adjugé en mai 2016 à la célèbre salle de vente Christie’s à New-York pour 4 757 000 dollars ! 178 fois son prix d’achat, soit un rendement annuel de 25,32% et ce, pendant 23 ans… De quoi faire pâlir de jalousie le plus brillant des gestionnaires de portefeuilles.
Dans cet article, nous nous pencherons sur la question suivante : « L’art est-il un bon investissement ? ».
L’art, une spéculation
Chez Nagelmackers, nous sommes partisans de la philosophie d’investissement value investing. En tant que gestionnaires value, nous ne pouvons pas considérer l’art comme un investissement. En effet, une œuvre d’art n’a pas de rentabilité financière. Au contraire : la conserver dans de bonnes conditions, l’assurer, et même l’acquérir engendrent un coût qui n’est que rarement compensé ! Dans sa dimension purement financière, à nos yeux, l’art n’est donc ni plus ni moins qu’une forme de spéculation. Un pari très incertain sur la place que l’Histoire réservera à l’artiste et son œuvre.
Il convient de pondérer ce constat selon trois aspects différents.
L’art, une histoire d’émotions
Si on peut qualifier certains gestionnaires de portefeuilles d’artistes, l’inverse est loin d’être vrai… Ainsi, selon le rapport sur l’art de la banque Axa, il ressort que l’art n’est pas que financier. Seuls 8% des investisseurs visaient une meilleure rentabilité à travers leur patrimoine artistique. Les dimensions principales étant d’ordre émotionnel : symbole du statut social (26%), et passion (22%). D’ailleurs, on considère que la valeur esthétique, la gratification émotionnelle qui consiste à admirer une belle œuvre dans son salon, avec des amis ou entre passionnés, surclasse les bénéfices financiers.
L’art et ses spécificités
Nous devons reconnaître l’existence de certaines spécificités d’ordre sectoriel. Dans son ensemble, le marché de l’art affiche de belles performances, quoique inférieures au marché des actions. L’indice Mei Moses, qui représente les transactions new-yorkaises de peintures, dessins et sculptures l’illustre bien. Les œuvres plus récentes tendent à être beaucoup plus performantes mais aussi plus volatiles. Les œuvres plus anciennes affichent, elles, une belle stabilité.
D’autres indices, sur les pièces de monnaie anciennes et jetons par exemple, recèlent d’autres spécificités, comme un lien avec l’évolution des métaux précieux. Il en ressort une source de diversification. Une œuvre peut donner à un portefeuille d’investissements en valeurs mobilières un meilleur couple rendement-risque. Il en ressort également qu’une collection d’œuvres d’art devrait être étudiée et constituée afin de correspondre à un certain profil de risque.
Notons que la représentativité des indices disponibles est de loin inférieure aux marchés plus développés des valeurs mobilières. En effet, un petit nombre d’acteurs, gestionnaires d’infrastructures d’enchères détermine la totalité des transactions prises en compte dans ces indices. Par conséquent, on constate que dans les périodes de morosité ambiante, la proportion des œuvres contemporaines mises aux enchères diminue en faveur des œuvres plus anciennes dont le prix est naturellement plus stable. On constate également que le nombre de pièces mises aux enchères stagne certaines années, évitant les conséquences négatives d’une chute de la demande. Ces indices sont donc à considérer avec un recul tout particulier.
Convertir l’art en liquidité a un coût
Dernière caractéristique non moins importante du marché de l’art : son manque de liquidité. Détenir un avoir tangible est certes gratifiant mais entraîne un délai lorsqu’on souhaite le monétiser. Ce délai implique un risque tout aussi grand de faire face à une réduction de la demande, ou une diminution plus générale des cotes. Fait révélateur de cette illiquidité : si vous souhaitez utiliser une œuvre d’art en collatéral d’un crédit, afin d’obtenir immédiatement la liquidité, les prêteurs demanderont un surcoût de l’ordre de 5% sur le taux octroyé, ce qui correspond à un niveau de risque très important.
L’art, un bon investissement ?
Investir dans l’art ne doit donc pas être une fin en soi. Mais, si la passion vous anime, une réflexion et des conseils avisés vous permettront de rentabiliser au mieux vos acquisitions et de les mettre en cohérence avec les autres œuvres dont vous disposez et le reste de votre patrimoine.
Chez Nagelmackers, nous vous aidons à constituer, gérer et protéger votre patrimoine, aussi lorsqu’il est composé d’œuvres d’art. Nous pouvons vous mettre en relation avec des spécialistes. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous contacter.