Planification successorale pour les familles monoparentales avec enfants mineurs

20 Septembre 2023 -
Astrid Dutré
Estate Planner
Mother with teen daughter

Vous êtes parent isolé ? Comment pouvez-vous planifier et protéger judicieusement la succession de vos enfants mineurs ?

A une époque où les divorces et les séparations sont de plus en plus fréquents, nous constatons non seulement une augmentation du nombre de familles recomposées, mais aussi de familles monoparentales qui ont encore souvent des enfants mineurs sous leur toit. Ces dernières sont généralement très préoccupées par le sort de leurs enfants si elles venaient à décéder.

Il va sans dire qu’outre l'impact émotionnel, un décès a également de nombreuses conséquences juridiques, financières et fiscales.

Nous vous expliquons dans cet article comment le législateur envisage la question ainsi que les mesures que vous pouvez prendre.

Que prévoit la loi pour vos enfants mineurs après votre décès ?

Prenons l'exemple d'Anne, mère célibataire de 38 ans. Elle a quitté son ancien partenaire, Pascal il y a quelques années. Ils ont deux enfants, Céleste et Clément, âgés de 10 et 12 ans. Anne n’entretient pas de très bonnes relations avec Pascal. Elle est propriétaire de sa maison et a en plus reçu de l’argent de ses parents. Elle souhaite protéger son patrimoine, pour elle et pour ses enfants.

Autorité parentale après le décès d'un des parents

En l'absence de testament, la loi prévoit qu'après le décès d'Anne, ses biens seront répartis entre ses deux enfants. Céleste et Clément hériteront chacun de la moitié en pleine propriété. En effet, en tant que mineurs, ils ont le droit d'hériter mais sont encore incapables juridiquement de gérer cet héritage. Ils ne peuvent donc pas agir seuls mais doivent être représentés. C'est ainsi que Pascal, leur père et ex-partenaire d'Anne, entre à nouveau en scène.

Anne et Pascal ont exercé l'autorité parentale conjointe sur leurs enfants mineurs tant qu'ils étaient en vie. La loi prévoit qu'au décès de l'un des parents, le parent survivant continue d'exercer seul l'autorité parentale. Dans ce cas, il s'agit de Pascal, qui représentera Céleste et Clément jusqu'à leur majorité. Ce n'est que si les deux parents sont décédés qu'un tuteur est désigné

Acceptation de la succession

Il y a quelques années encore, lorsqu'une succession revenait à des héritiers mineurs, elle devait être uniquement acceptée sous bénéfice d'inventaire. Cela se faisait sous le contrôle du juge de paix qui devait donner son autorisation. Lors de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, le notaire dresse un inventaire de l'actif (revenus) et du passif (dettes) de la succession. Par ce type d’acceptation, le mineur ne sera tenu des dettes de la succession qu’à concurrence des actifs hérités. Dans le pire des cas, le mineur n'hérite de rien.

Depuis quelques années, le parent survivant peut aussi demander au juge de paix l'autorisation d'accepter la succession "purement et simplement", si l'héritage est clairement positif et en faveur du mineur.

Enfin, il peut y avoir une renonciation à la succession. Cette renonciation nécessite également l'autorisation du juge de paix. Le juge de paix veille aux intérêts du mineur, qui sont au cœur de la décision finale.

Pourquoi et comment protéger au mieux et planifier judicieusement la succession des enfants mineurs ? Un testament soigneusement rédigé résout déjà beaucoup de choses !

L'autorité parentale de Pascal implique qu'il assure la gestion des biens de ses enfants mineurs (y compris les biens dont ils héritent) et qu'il prenne des décisions concernant la personne des enfants, comme par exemple le choix de l’école, de la religion, etc.

Tant que Pascal exerce l'autorité parentale, il a aussi un droit de jouissance légale sur les biens des enfants. Il s'agit d'une sorte d'usufruit. Pascal reçoit le produit des biens qu'Anne a laissés à ses enfants à son décès et a même le droit d'habiter dans sa maison (ou de la louer pour une durée maximale de 9 ans).

Anne veut éviter cela…

Heureusement, la loi lui permet de priver Pascal de ce droit de jouissance. Il suffit de le stipuler expressément dans un testament. La forme du testament n'a pas d'importance, mais un testament notarié est préférable. En effet, ce testament est inscrit au registre central des testaments, qui est consulté par tout notaire lors de la rédaction de l’acte d’hérédité.

Anne n’apprécie pas non plus que les actifs de sa succession soient gérés par Pascal jusqu'à la majorité de ses enfants. Elle n'a pas confiance en lui, y compris sur le plan financier.

La loi ne permet pas à Anne de priver Pascal de ce droit d’administration parentale, mais elle protège les intérêts des enfants mineurs. Si Pascal veut prendre des mesures radicales, comme la vente de sa maison, cela n'est possible qu'avec l'autorisation préalable du juge de paix.

Cela ne rassure Anne qu’à moitié.

De quelles options dispose-t-elle pour limiter l'exercice du droit d’administration parentale de Pascal ?

  1. Accorder l'usufruit à sa propre famille dans un testament

    Dans son testament, elle peut temporairement (par exemple jusqu'à la majorité de ses enfants) accorder l'usufruit de (certains) biens de sa succession à une personne de confiance. A son décès, ses enfants n'héritent alors que de la nue-propriété jusqu'à leur majorité et Pascal n'exerce son droit d'administration qu'à l'égard de cette nue-propriété. Il ne peut rien faire de ces biens sans l'accord de l'usufruitier. Pour éviter des taux de succession élevés, il est conseillé de désigner une personne de confiance en ligne directe. Dans ce cas, Anne pourrait désigner ses parents.
     
  2. Créer une société simple

    Si Anne dispose d'un patrimoine plus important, la création d'une société simple peut également être envisagée. Une société simple est une entreprise caractérisée par une grande liberté contractuelle, une constitution simple et une flexibilité importante, dans laquelle Anne peut désigner une ou plusieurs personnes en qui elle a vraiment confiance comme gérants successeurs. C'est le gérant qui est responsable de la gestion du patrimoine de la société. Elle prive ainsi son ex-partenaire Pascal de la gestion du patrimoine qu'elle a apporté à la société.
     
  3. Inclure un legs de residuo dans son testament

    Anne souhaite que le patrimoine reste "dans la famille" et n'aille en aucun cas à son ex-partenaire Pascal. En effet, si l'un de ses enfants décède sans enfant, Pascal, en tant que père, pourrait en principe prétendre à une partie de l'héritage (et donc, indirectement, au patrimoine d'Anne). Anne peut éviter cela en incluant un legs de residuo dans son testament.

    Ce qui reste du patrimoine d'Anne au décès de l'un ou des deux enfants (s'ils n'ont pas d'enfant à ce moment-là) reviendra alors à l'autre enfant ou à sa descendance, conformément à la clause de residuo.

    Si les deux enfants décèdent sans descendance, les biens restants d'Anne devraient revenir à ses parents (ou au survivant d'entre eux), à ses frères et sœurs ou à leurs descendants et, enfin, à une œuvre de bienfaisance désignée par Anne. De cette manière, les biens restent au sein de la famille.

En conclusion

Un testament peut vous permettre de ne plus vous soucier de la succession recueillie par vos enfants mineurs. Et, en fonction de votre patrimoine et de votre situation personnelle, il pourrait aussi être judicieux de mettre en place une société simple.

Si vous vous trouvez dans cette situation, n'hésitez pas à faire appel à l'expertise de l'un de nos estate planners.

Nous ferons le point avec vous et examinerons les solutions possibles avec votre notaire.


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