Transmettre mon entreprise: que cela implique-t-il?

29 Août 2023 -
Solange Saghbini
Senior Tax Advisor
Transferring my business: what does it involve?

La transmission d’une entreprise n’est pas une mince affaire car cela touche à de nombreux aspects. L’aspect financier est bien entendu important mais le volet humain n’est pas à négliger non plus… Surtout lorsque l’on envisage de transmettre son entreprise au sein du cercle familial. Dans cette double interview, Ivan Janssens, business developer et Solange Saghbini, estate & tax planner, ont accepté de répondre à nos questions pour vous permettre d’y voir plus clair !

Transmettre son entreprise, cela se prépare. A quoi faut-il tout particulièrement penser ? Et quand faut-il s’y prendre ?

Ivan Janssens  : « La première chose que je dirais est : prenez votre temps ! Un processus d'acquisition ou de succession familiale dure en moyenne 2 à 5 ans. Commencez par mettre tous les scénarios possibles sur la table. La succession familiale est-elle une option ? Quelqu'un au sein de l'entreprise est-il intéressé ? Sondez l'intérêt de vos fournisseurs, clients ou concurrents.

Et avant d'entamer effectivement le processus, certains obstacles peuvent être éliminés pour favoriser la faisabilité financière et l’attrait d'une transmission d'entreprise. Je pense par exemple à l'élimination des excédents de trésorerie au sein de l'entreprise, le règlement des comptes courants, les biens immobiliers qui constituent un frein et les actifs qui ne contribuent pas à l'intérêt économique de l'entreprise. »

Solange Saghbini : « Pour ma part, j’ajouterais qu’il ne faut bien entendu pas négliger l’aspect familial. En effet, outre la cession de son entreprise à un tiers, il est également possible de transmettre son entreprise au sein du cercle familial. Certains régimes de faveur existent d’ailleurs au niveau fiscal pour la transmission d’entreprises dites familiales, moyennant respect de certaines conditions. Il faut se poser les questions opportunes et ne pas hésiter à s’entourer d’experts (avocat, fiscaliste, estate planner, réviseur) chacun dans leur domaine. »

On pense souvent à l’aspect financier lorsqu’on parle de transmission d’entreprise. Mais le volet ‘humain’ est tout aussi important. Qu’en est-il chez Nagelmackers ?

Ivan Janssens : « Le processus d'acquisition ou de succession est un processus purement rationnel. En tant qu'entrepreneur, il est donc important de ne pas laisser place à ses émotions. En particulier lorsqu’il s’agit d'une succession familiale… Il est important de donner toute la confiance à vos enfants et de leur laisser prendre les commandes. A cet égard, il peut être intéressant d’envisager une charte familiale pour établir des accords clairs sur la communication et la résolution des conflits. »

Solange Saghbini : « Chez Nagelmackers, nous sommes en effet convaincus qu’une discussion familiale préalable à toute décision est un must absolu dans ce processus : votre estate planner peut se tenir à vos côtés dans ces démarches. Faire connaître ses intentions à ses proches et s’assurer d’évoluer dans la même direction est l’une des clés du succès d’un processus de transmission de son entreprise, que cela aboutisse à une cession en externe ou à une donation, cession des parts en intra-familial. »

Pourquoi peut-il être judicieux de reprendre une entreprise plutôt que d’en créer une ?

Ivan Janssens : « La reprise d'une entreprise existante présente certains avantages comme la disponibilité de capitaux, des collaborateurs expérimentés, une clientèle existante, une relation historique avec les fournisseurs... Par ailleurs, le taux de survie en démarrant comme entrepreneur via une acquisition est de 80% alors qu’il n’est que de 50% pour les start-ups démarrant de zéro. Mais, la reprise d’une entreprise existante comporte aussi certains pièges. Le prix à payer pour une reprise ne correspond pas toujours à la valeur réelle de l'entreprise et il existe toujours un risque de trouver des ‘cadavres dans le placard’… »

Quels sont les outils financiers, juridiques et fiscaux qui existent pour financer la reprise d’une entreprise ?

Ivan Janssens : « D'une part, il y a la cession d'actifs où les actifs d'une société sont vendus, et d'autre part, la cession d'actions où les actions de la société font l'objet de l'acquisition, avec tout ce qu'elles contiennent (actifs et passifs).

Dans le cas d'une cession d'actifs, il convient de tenir compte d'un certain nombre d'éléments.

Personnel 
La prudence s'impose si une entreprise qui vend tout ou partie de ses actifs a du personnel. Vous ne pouvez pas simplement vendre les actifs et abandonner le personnel dans une entreprise où il n'y a plus d'actifs et/ou d'activités. Si vous reprenez un commerce ou une industrie, vous devez en principe aussi reprendre ses collaborateurs, en conservant leurs salaires et autres avantages.

Dettes 
Lors de l'acquisition de certains éléments d’actifs, vous ne reprenez en principe pas les dettes. Car la société qui vend les actifs continue d'exister et peut ensuite rembourser ses dettes grâce aux fonds reçus à la suite de la vente. Toutefois, l'État s'est protégé : en tant qu'acquéreur, vous pouvez toujours être tenu responsable, entre autres, des dettes fiscales et/ou de sécurité sociale (notamment ONSS, TVA, créances alimentaires, amendes pénales, précompte immobilier, etc.). 
Si les actifs transférés constituent un ensemble permettant de conserver la clientèle, l'État peut juger que le transfert ne lui est pas opposable et vous pouvez donc être tenu solidairement responsable en tant que repreneur des dettes sociales et/ou fiscales, telles qu'énumérées ci-dessus. Vous trouverez des précisions sur la non-opposabilité et la responsabilité conjointe et solidaire du repreneur ci-après.

Non-opposabilité de la vente 
Le transfert des actifs ne sera opposable à l’Etat qu'après la fin du mois suivant le moment où le transfert lui a été formellement notifié. Cela signifie qu'après avoir été informé de la vente des actifs, l’Etat dispose d'un mois pour saisir ces actifs, si nécessaire, afin de réaliser sa créance. Si l’Etat a été notifié et que le délai d'un mois est passé, la vente des actifs lui est opposable et il devra respecter la vente.

Responsabilité conjointe et solidaire du repreneur 
S'il existe des dettes sociales et/ou fiscales, l’Etat peut, outre l'inopposabilité du transfert, demander au repreneur de payer les dettes en souffrance. Toutefois, sa responsabilité est limitée à ce qu'il a déjà payé au vendeur pendant la période d'inopposabilité d'un mois.

Valorisation 
Bien que le prix soit bien sûr toujours négociable et librement déterminé entre les parties, le point de départ de la valorisation diffère selon qu'il s'agit d'une cession d'actifs ou d'actions. Lors d’une cession d'actifs, le point de départ sera la valeur de marché des actifs acquis. Dans le cadre d'une cession des actions, on prendra plutôt la valeur comptable et les résultats de la société. On peut donc en conclure qu’une cession d’actifs n'est pas sans risque ! »

Solange Sagbini : « D’un point de vue fiscal, céder les parts de son entreprise peut permettre de dégager une plus-value appréciable qui peut être exonérée d’impôts, dans un certain canevas.  Bien entendu, la fiscalité liée à ce type de transaction ne doit jamais à elle seule guider une décision. Par ailleurs, une fois cette plus-value dégagée et rapatriée dans le patrimoine privé, se pose une question encore plus importante : comment maintenir et faire croître ce patrimoine  au mieux en tenant compte de vos besoins, de vos projets encore à venir, et de vos limites ? »

Si vous envisagez de céder votre entreprise à vos enfants, quelles sont les implications ?

Ivan Janssens : « Si vous n'avez qu'un enfant ayant les compétences nécessaires et l'intention explicite de reprendre l'entreprise, c'est relativement simple. Soit vous faites don des parts de l'entreprise familiale à l'enfant en question et ce, à un taux standard fixe de 3 ou 3,3% (peu importe la valeur des parts données), voire même à un taux de 0% sous certaines conditions. Soit l'enfant doit payer un certain prix pour l'acquérir. 
Mais qu'en est-il s'il y a deux enfants ou plus, et qu'un seul d'entre eux souhaite reprendre l'entreprise familiale ? En cas de donation des actions à l'enfant en question, il ne faut pas oublier l'égalité de traitement vis-à-vis des autres enfants par le biais, par exemple, de la donation d'un bien mobilier ou immobilier de valeur similaire. Veillez donc à préserver l'équilibre familial et votre propre sérénité. »

Solange Saghbini : « Céder les parts de votre ou vos entreprises à vos enfants va évidemment créer une indivision entre eux, ce qui peut être source de nombreux conflits, que ces conflits proviennent de divergences d’opinion, ou s’établissent avec le temps et notamment lorsque chaque enfant est amené à poser des choix de vie personnels (conjoint, carrière, nouveaux projets…) pouvant impacter son implication au sein de la/des entreprises en question. En ce sens, à nouveau, une réflexion préalable et à tout le moins une discussion ouverte avec vos enfants nous semble être la piste à privilégier avant toute cession. En effet, il se pourrait que l’un de vos enfants ne soit nullement intéressé par cette donation, préférant des liquidités ou la donation d’un bien immobilier en contrepartie, là où un autre de vos enfants se sent l’âme de poursuivre votre projet entrepreneurial. »

Comment valoriser les atouts de son entreprise pour réussir sa transmission ?

Ivan Janssens : « Il est essentiel de s'assurer que l'entreprise ne dépend pas trop de vous. Car cela pourrait entraver ou rendre plus difficile une éventuelle reprise. »

Solange Saghbini : « La cohérence des actifs qui y sont logés nous parait aussi cruciale. Avant tout projet de cession (à un tiers), il est en effet important d’examiner la cohérence globale des activités et actifs qui y sont repris. Par exemple, si votre société comprend plusieurs volets (industriel et immobilier par exemple) ou un ‘parc immobilier’ fort disparate (biens industriels, immeubles de rapport, seconde résidence pour le dirigeant…), il sera sans doute opportun de restructurer l’entreprise avant sa cession. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un avocat dans ces démarches.

En conclusion, planification et expertise sont les maitres mots d’un processus de cession réussie et fructueux. Céder son entreprise ne s’improvise pas. C’est un processus qui d’une part, doit mûrir et qui implique de prendre en compte divers aspects (économiques, humains, juridiques) et qui d’autre part, requiert l’intervention de divers experts (réviseur, comptable, avocat…). »

Vous envisagez de transmettre votre entreprise ? Nos experts se feront un plaisir de vous conseiller. Prenez rendez-vous !


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